A la recherche de...


Avertissement : de nombreuses années avant la création de ce site je me suis amusé à transcrire, sous une forme humoristique et parodique, mes efforts pour trouver un tin-whistle idéal. Peut-être vous retrouverez-vous dans cet Indiana Jones ? Si j'ai masqué le nom des facteurs français, je n'ai pas modifié sur le fond mon texte qui, on le notera, ne défend pas plus que cela les modèles en bois, alors qu'aujourd'hui je ne jure que par cette matière. Il est étrange pour moi de noter mes évolutions de goûts, ainsi mes remarques d'exclusion de la Susato, celles plutôt favorables à l'Alba, ainsi ma hiérarchie des valeurs prônant la puissance sonore avant la beauté de l'instrument, toutes observations à l'opposées de celles que je défends aujourd'hui. A noter à la fin de cette parodie, en forme de conclusion, une note récente qui reflète mes idées du moment.

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"Vous êtes certaine de ce que vous me contez là, Madame Le Professeur d'Histoire de la Musique au Smithmosian Museum ? demanda, quelque peu ironique l'homme au feutre de broussard.

"Je ne connais pas d'être plus borné que toi, Indiana. La déclaration de perte du professeur Russell,conservée aux archives de la police municipale, n'est quand même pas un faux ? Le manuscrit des moines d'Iona, que nous avons authentifié à l'aide des dernières techniques de la science, est bien réel. Et le journal secret du reporter Tintin, que le monde entier admire, renforce notre thèse : la flûte irlandaise du grand druide Coucoulaine est en France, à nous de la découvrir et de la remettre au musée.

"Et par quoi commencer ? Où porter nos recherches ? Comment reconnaître cette flûte ?"

"Ecoute donc cette extrait du Manigobion, des moines irlandais de l'ile d'Iona : "La flûte portée à vos lèvres se reconnaît entre toute. Elle est unique par la beauté de son corps, la douceur et la puissance de sa voix, la facilité d'en jouer, l'économie de son souffle." Je suis certaine de pouvoir juger par moi même lorsque nous l'aurons trouvée. Il s'agit simplement de mettre la main sur elle."

"Il s'agit simplement de la trouver !"

"Indy, pourquoi es-tu donc toujours si obtus ! Lis-donc le journal de Tintin : "Une nouvelle enquête m'éloigne de mes recherches de la flûte celtique perdue par le professeur Miko Russell. Je m'arrête aujourd'hui mais je note les adresses des détenteurs potentiels de la flûte. Je suis sûr que l'un d'entre eux la possède. J'irai les voir au retour de mon voyage". Le journal s'arrête ici, car nous savons que Tintin a disparu peu après. Reprenons son enquête !

"Ok, Madame Sophia, pour vous donner un coup de main, mais dépêchons nous, car moi aussi j'ai une aventure qui m'attend. Une caisse dorée à retrouver..."

Premier extrait de la cassette-audio.

Voix de Sophia :
"Je ne suis vraiment pas convaincue par cette flûte, Indy. On peu éliminer le whistle de M. Susato. Sa flûte a bien une forte voix mais elle n'est pas très belle. Et que dire de son corps en plastique noir ? Le timbre est peu plaisant, les deux octaves ne sont pas bien équilibrés et j'éprouve des difficultés dans les passages du registre aigu."

Voix d'Indiana :
"Nous voici donc avec une quatrième piste éliminée. Résumons nous : les deux flûtes, en cuivre et en nickel d'une anglaise Mme Generation. Faciles à jouer, timbre plaisant mais peu sonores. Abandonnées. La flûte en aluminium d'un irlandais M. Walton, à la voix encore moins convaincante. Exclue. Que me proposes-tu maintenant ?

Voix de Sophia :
"Je crois la piste suivante beaucoup plus sérieuse. Regarde la photo collée dans le journal de Tintin. Cette flûte de M. O' Riordan est superbe. Admire son corps en bois et sa tête composite elle a un "look" d'enfer. Tintin note même plus loin : "Cette flûte est entrée en possession de grands Whistler tels Mary Bergin et Joanie Madden. Mary l'aurait choisie comme deuxième flûte pour jouer ses mélodies : elle doit avoir une voix superbe... Hélas certaines observations me font comprendre que cette voix est plus faible que la Susato... "

Voix d'Indiana :
"Souhaites-tu que nous allions en Amérique essayer la flûte ?

Voix de Sophia :
"Ce ne sera pas la peine. Je viens d'écrire à O'Riordan. Il accepte de me l'expédier d'ici quelques mois. Comme je ne suis vraiment pas sûre qu'il s'agit de notre flûte pourquoi ne pas poursuivre nos recherches en France? J'attends un ami qui doit me prêter la flûte d'un M. XX. Elle figure sur la liste de Tintin."

Deuxième extrait de la cassette-audio.

Voix d'Indiana
"Qu'en penses-tu Sophia ?"

Voix de Sophia
"Cette XX en bois, je la trouve assez belle mais je ne parviens pas à avoir un coup au coeur comme avec la photo de la O'Riordan. Elle me déçoit un peu au niveau de sa puissance sonore, intermédiaire entre la Generation et la Susato. J'ai aussi l'impression qu'elle n'est pas très juste. Je crois bien qu'il va nous falloir chercher encore."

Voix d'Indiana
"Es-tu sûr que ta méthode est la bonne ? Tu me parles d'impression, de coup de coeur. Nous sommes des scientifiques, que diable. Soyons plus objectif. Il y a bien 100 flûtes à expertiser dans la liste de Tintin. Arrêtons nos recherches au "petit bonheur la chance". Essayons de procéder par élimination : fixons nous des candidates à forte probalité. Qu'est-ce que tu cherches ? La flûte irlandaise du Grand Druide. Le manuscrit des moines la décrite comme idéale. Mais qu'est-ce qu'une flûte idéale ? Parlons nous de la même chose eux qu'eux ?"

Voix de Sophia
"La flûte idéale est à la fois belle, juste, sonore et d'un jeu aisé."

Voix d'Indiana
"Pour la trouver quels éléments de choix sont à considérer en priorité ? Autrement dit, quels sont les éléments rationnels, objectifs, non négociables ?

Voix de Sophia
"Je dirai en priorité la puissance sonore et la justesse. La facilité de jeu, si la difficulté n'est pas énorme, s'acquiert avec le temps et l'habitude de pratiquer la flûte. Je pose donc ce critère qu'en deuxième rang. Quant à la beauté, critère de choix subjectif s'il en est, j'aurai vraiment tort de la mettre au premier plan.

Voix d'Indiana
"Bravo Sophia. Cherchons d'abord dans notre liste des flûtes décrites comme sonores et justes. Nous jugerons du reste et gagnerons du temps dans nos recherches."

Troisième extrait de la cassette-audio.

Voix de Sophia :
"Qu'est-ce que tu penses de ce luthier français, qui a en sa possession une flûte de notre liste, YY ?"

Voix d'Indiana :
"Il est spécialisé dans les flûtes à bec pour musique classique et ancienne. Il m'inspire confiance. si cet expert, fournisseur de musiciens exigeants, une clientèle de concertistes professionnels certainement pointilleux sur la justesse de leur outil, nous dit que sa flûte est juste elle doit l'être. Il nous assure dans sa lettre que sa flûte est aussi sonores que notre Susato. Voilà des choses d'encourageantes pour nos recherches.

Voix de Sophia
"Mais son aspect avec le rattachement de sa tête au corps ne m'inspire pas. Tu la trouves belle toi ?"

Voix d'Indiana
"Ne juge pas trop la beauté, tu retombes encore dans tes travers, ce qui est moche pour toi l'était-il pour un celte ? Moi le velouté du buis teinté me semble correspondre à la description du manuscrit irlandais. Ça vaut la peine de faire affaire avec lui. Que risquons nous ?"

Voix de Sophia
"D'attendre quelques semaines, c'est tout. Tu as raison, nous jugerons sur pièce. Si elle est comparable à la Susato pour la justesse et la puissance sonore mais avec un timbre plus riche et un contact plus plaisant que le froid plastique, nous aurons trouvé notre flûte perdue.
Pourtant... Quel dommage que le manuscrit irlandais ne nous informe pas sur la nature du matériau utilisé : bois ou métal. Le bois, ce matériaux noble et vivant est un bon candidat, mais je suis dubitatif sur ses qualités de puissance sonore comparée au potentiel du métal.... Nous avons abordé avec la O'Riordan, la XX et la YY, la filière du bois. Mais quid du métal ? De nombreuses flûtes de la liste de Tintin sont en métal.

Voix d'Indiana
"Restons scientifiques Sophia. Qu'est-ce qui fait qu'un whistle est plus puissant qu'un autre ?
Il y a la grandeur de sa "lumière", cette petite fenêtre où se brise le jet d'air soufflé. Preuve en est lorsque je bouche à moitié d'un morceau de papier collant cette fenêtre : le son baisse d'autant. Cherchons une flûte à grande lumière."

Voix de Sophia
"Il y a aussi la perce interne de la flûte et des trous de notes qui doivent être larges. Mais comment expliques-tu... la Susato, qui est plus puissante que la Generation, a la même perce interne, les mêmes diamètre de trous de notes, la même taille de lumière. Quel mystère ! Le plastique dense serait-il plus sonore que le mince métal de ma Generation ? Il est vrai que le matériau de la flûte est important. Quelle différence de timbre et de puissance entre le cuivre, le nickel des Generation et l'aluminium de la Walton. Sans doute que l'épaisseur influe sur le son?"

Voix d'Indiana
"Votons donc pour l'épaisseur du métal et partons à la recherche d'une flûte à large perce, aux trous de note important, à la large lumière, aux parois de métal épais. Que trouves-tu sur notre liste ?

Voix de Sophia
"Attend donc... Je trouve un modèle qui semble répondre à notre analyse : celle de M. Chieftain Soprano. Les commentaires de Tintin sont intéressants. La flûte, est décrite comme ayant du coffre. Pourtant, regarde la photo. Son "gros méchant look", massif et maflu, me fait un peu peur. Je sais bien que je dois taire mon intuition féminine et ne conserver qu'une attitude scientifique. Mais je me refuse d'écarter des flûtes qui parlent à mon coeur. Regarde celle-la, bien élancée dans son corps en métal, n'est-elle pas splendide ?"

Voix de Indiana (soupirant)
"Où se situe-t-elle ?"

Voix de Sophia
"Précisément dans notre ville, nous ne perdrons pas beaucoup de ton temps en passant voir la flûte de M. Alba, avant d'aller chez M. Chieftain Soprano."

Quatrième extrait de la cassette-audio.

Voix d'Indiana
"Tu viens d'essayer la flûte de M. Alba. Qu'en penses-tu ?"

Voix de Sophia
"La flûte est bien équilibrée avec une puissance sonore équivalente sur les deux octaves. Elle est vraiment différente de la Susato où on distingue les deux octaves rien que par leur force. Celle de M. Alba passe avec plus d'aisance dans les notes supérieures, sans "couac" et sans stridence. Le son est aussi plus beau, moins agressif, plus rond. Il n'y a qu'un seul point qui me chiffonne. Elle est un poil plus doux, moins puissante dans l'octave des graves. Mais peut-être n'est-ce pas vraiment un défaut. Je ne sais pas... Je dirai qu'il s'agit d'une excellente flûte, peut-être la meilleure du lot, mais j'aimerai en essayer d'autres, avant de me prononcer définitivement".

Voix d'Indiana
"Je crois moi qu'il va nous falloir essayer toute la production du monde avant de te décider. Cette flûte idéale a-t-elle jamais existé, si ce n'est dans l'esprit du professeur Miko Russell. Lit les commentaires de Tintin, chaque éléments qui nous rapproche de ta flûte parfaite, semble inconciliable à un autre. Une flûte sonore ne sera jamais d'un jeu facile, une belle flûte en bois ne sera jamais aussi sonore qu'une flûte en métal, celle-là sera adaptée pour jouer les airs lents mais pas les airs rapides, telle flûte en plastique sera facile d'entretien mais sans beau timbre etc... Nous perdons notre temps. Nous avons besoin d'aide."

Voix de Sophia
"J'ai quelque chose à te proposer. Un plongeons dans l'océan du Net. Les adorateurs de la flûte irlandaise y jettent leur offrandes : des odes à leur whistle préféré, des adresses, des conseils, des analyses, toutes sortes d'informations sur notre sujet.  Ramène ces offrandes à la surface, elles orienteront nos recherches".

Voix d'Indiana
"OK pour le plongeon si tu me garanties que je ne rencontrerai  pas de serpents !..."

Cinquième extrait de la cassette-audio.

Voix d'Indiana
"J'espère que tu as pu exploiter tout ce que je t'ai  ramené des profondeurs. Cela n'a pas été sans mal !  Quant à l'absence de serpents, parlons en.  Il m'a fallu récupérer chaque tablette d'offrande en tirant par la queue un serpent-lien qui y mordait !"

Voix de Sophia
"Plains-toi donc, Indy. Saches que j'ai passé toute ma nuit à déchiffrer les tablettes écrites en vieil anglo-américain"

Voix d'Indiana
"Alors, qu'est-ce qui s'en dégage ? Y évoque-t-on la flûte perdue ?"

Voix de Sophia
"Il n'y a pas d'unanimité en la matière, mais il semble se dégager un choix entre deux flûtes que nous n'avons pas encore testée. Deux américaines : la John Sindt et la  Michael Burke."

Voix d'Indiana
"Deux américaines, ce n'est pas vraiment étonnant. Quatre-vingt dix pour cent des adorateurs sont américains. Tu crois qu'on peut leur faire confiance ? Tiens, par exemple, que disent les tablettes de notre écossais M. Alba ?"

Voix de Sophia
"Attends... Voilà, je te fais la lecture : elle est splendide mais elle nécessite le souffle de Godzilla... Sa voix est perçante au deuxième octave... Elle est difficile à jouer...  La note de Do est désaccordée... (silence) Je ne comprends pas trop, cette analyse ne correspond pas à la notre... (silence)
J'ai peut-être l'explication. Il est dit ici qu'il y a plusieurs Alba, une ancienne médiocre et une nouvelle qui devrait être meilleure. Peut-être avons nous essayé la récente ?"

Voix d'Indiana
"Ouaip, méfions nous quand même de ces américains. Que  disent-ils de leurs  Sindt et Burke."

Voix de Sophia
"Elles sont vraiment alléchantes. On note que la Sindt a été possédée par  Marie Bergin et la Burke par Paddy Moloney, quelles références ! (silence) La Sindt semble se rapprocher de la Generation. Faible puissance sonore mais d'un jeu très aisé. Elle nécessite peu de souffle, elle produit un bon son, elle est merveilleusement adaptée aux airs rapides à l'octave supérieur. Regarde là, elle est assez belle."

Voix d'Indiana
"Elle est vraiment proche du look de la Generation. Et que dit-on de ses défauts ? Elle doit bien en avoir."

Voix de Sophia
"Hélas oui. Sa faible voix, comme je te l'ai dit, mais aussi, pour certains, une balance entre les deux octaves moins bonne que la Burke, voire peut-être, une moins bonne justesse sur certaines notes."

Voix d'Indiana
"Et la Burke ?"

Voix de Sophia
"Je crois que tu devrais l'apprécier davantage. On la dit, moins puissante que l'Alba ou la Susato mais plus puissante que la Sindt., bref on peut la situer dans une bonne moyenne de puissance sonore. Corrélativement, elle demande plus de souffle que la Sindt mais moins que l'Alba. Là aussi elle me paraît d'un bon compromis. Sa balance est excellente, donc meilleure que la Sindt. Elle semble aussi facile à jouer que la Sindt. Elle est dite mieux accordée que la Sindt. Elle est décrite comme stable à la pression d'air, je traduis : ses notes ne varient ni vers le grave ni vers l'aigu, mais uniquement en puissance sonore, lorsque le musicien renforce ou affaiblit son souffle. Par contre quelques tablettes critiquent son timbre qui devrait être moins plaisant que la voix de la Sindt. Mais ici tu sais bien qu'il s'agit d'un critère suggestif qui ne doit pas nous influencer."

Voix d'Indiana
"Et où peut-on trouver cette merveille pour la tester ?"

Voix de Sophia
"D'après le journal de Tintin, elle serait en Irlande. Ce serait le frère de Donncha O'Brien, Michaël, qui la détiendrait".

Voix d'Indiana
"Ecrivons-lui, et terminons nos recherches."

Fin des extraits de la cassette-audio
 
  NOTE : Russell fait bien sûr référence à Micko Russell, le whistler "mythique" de Doolin (1915-1994). J'ai à son sujet une anecdote personnelle. Je me rendais à mon premier stage en Irlande en 1992 et croisais un vieux monsieur qui comme moi attendait son car à Ennis. Comprenant que je me rendais comme lui à Miltown Malbay ce vieux monsieur insista pour jouer avec moi un tune en attendant notre car. Quelle fut ma surprise de découvrir plus tard ce compagnon de route jouant en vedette lors des récitals du stage ! On m'expliqua qu'il s'agissait du grand Micko Russell...

Micko Russell à Miltown Malbay deux ans avant sa mort.


  NOTE : A propos de la France savez-vous que le grand O'Neill déplorait, dans un texte de 1906, en tant que puriste de la MTI, l'usage du tin whistle dans sa chère musique. "With commendable promptness the dancers and the expectant onlookers, many of whom had traveled far to enjoy and encourage the revival of traditional Irish music, were treated to a 'tune on the pipes' ? No, sad to relate, but on a French celluloid flageolet..." (Francis O'Neill, Irish Folk Music, a Fascinating Hobby, 1910, reprint ed. Norwood Editions, Darby, Pennsylvania, p.227. ) Cocorico, le tin-whistle aurait-il une origine française ? C'est bien mieux quand même, qu'une origine british avec la Clarke ! Peut-être que notre joueur de tin whistle ressemblait à ce musicien...

Photo Crédit : jeanluc.matte.free.fr

  • "Le meilleur whistle du monde existe et je vais me l'acheter !"
  • Quelle idée…
  • Si vous n'avez jamais conduit vous ne pourrez pas vous déplacer avec votre belle Ferrari. C'est la même chose pour notre instrument de musique. Il faut savoir en jouer pour juger de sa qualité, d'autant plus que c'est le souffle de l'instrumentiste qui, d'une manière inconsciente la plupart du temps, en fonction du contexte (octave, flûte froide ou chaude…), s'adapte pour produire ou corriger, dans une mesure raisonnable, le son.
  • Je ne veux pas dire qu'un débutant ne pourra pas distinguer une bonne flûte d'une mauvaise, je veux dire simplement qu'un whistle, aussi bon soit-il, n'est rien sans son musicien. Cela veut sans doute dire qu'un bon instrumentiste sortira quelque chose d'une flûte injouable mais cela signifie surtout qu'un bon whistle pour l'un d'entre nous, ne le sera pas pour l'autre. Si vous souhaitez un instrument facile à jouer, économe du souffle et au son doux, vous n'apprécierez pas une flûte de session à large perce telle la Susato, mais acclamerez une Dixon. Et inversement l'amateur de Alba dénigrera votre Sweetone. Tout ici est affaire de préférence.
  • S'il y a certaines choses qu'il n'est pas possible d'exiger de votre instrument, comme à l'évidence, de produire un son puissant en restant économe de son souffle ou, plus subtilement d'avoir un whistle avec un Ré1 bien stable tout en ayant un deuxième octave facile à jouer, je dirai qu'un bon whistle doit au minimum être juste (accordé) et équilibré (avoir deux octaves de même puissance) caractéristiques nécessaires pour qui veut jouer avec d'autres musiciens en session.
  • A côté de ce minimum d'autres éléments ont leur importance mais n'intéressent somme toute que le musicien lui-même : avoir un whistle qui ne se bouche pas au souffle, qui offre la possibilité de produire un Do naturel avec un doigté qui nous convienne etc… Et au-delà nous entrons dans le domaine de la totale subjectivité : untel préfère le son ou la beauté du bois, tel autre n'envisage un tin-whistle qu'en métal ou en plastique pour la facilité de son entretien etc…
  • Quel peut être dans ce cas "le meilleur whistle" ?
  • "Le meilleur violon est un Stradivarius". Tout le monde connaît cette expression. Le problème est que Stradivarius a produit d'excellents violons mais également des moins bons. Acquérir un instrument de musique "fait main" par un grand maître ne sera jamais une garantie. Car telle est la différence entre l'objet artisanal unique et l'objet manufacturé sorti d'usine. A la différence d'une machine bien réglée, la production du maître n'est pas constante et le seul reproche qui peut lui être fait sera d'avoir mis en vente au prix de sa meilleure production, un whistle qui aurait mérité soit la poubelle, soit une disqualification (instrument d'étude). Et encore que ne pas dire d'un instrument mal entretenu par son musicien proposé à la revente en dehors de toute révision de son facteur ? Et encore même ne doit-on pas essayer plusieurs Generation, instrument manufacturé, avant d’en trouver une bonne, tant est grande l’importance du micro-élément comme une bavure en plastique d’un quart de millimètre sur le biseau du labium.?…
  • Alors oublions notre rêve d'avoir "le meilleur instrument du monde" car il n'existe pas. Tout en plus dira-t-on que le meilleur whistle est le plus équilibré, celui qui rassemble le meilleur compromis possible entre toutes les contraintes rencontrées. Si l’instrument est déjà très très bon, n’exigez pas de votre facteur la reprise du whistle pour pousser encore plus loin l’excellence : en améliorant un paramètre il en rabaissera bien d’autres.
  • Si le whistle idéal n’existe pas dans l’absolu, en valeur relative (le meilleur pour vous et pas pour un autre) la porte est largement ouverte. Essayez donc plusieurs whistles produits par un même facteur de bonne réputation et, à défaut du meilleur instrument, vous finirez par trouver celui qui vous convient le mieux.


Indépendamment de mon "mouvement d'humeur" repris plus haut, je vous propose une liste de critères à examiner pour qualifier une bonne flûte :

1) Critères objectifs :

- Justesse (tunning) : fait d'avoir un instrument accordé ou faux.

- Effort à produire (air requirement) : quantité d'air à insuffler pour atteindre le registre supérieur et maintenir, d'une manière stable, les notes les plus hautes. Sont à considérer :

. la Résistance de l'instrument (resistance) : quantité d'air nécessaire pour jouer de la flûte.

. la Pression à produire (backpressure) : pression du souffle nécessaire pour jouer de la flûte.

Doivent particulièrement être examinées deux notes sensibles : le Ré grave et le Do naturel (bell note and C) : s'obtiennent-elles aisément, sont-elles stables

- Engorgement (clogging) : la flûte se bouche-t-elle en cours de jeu sous l'effet de la condensation du souffle voire de la salive. Une bonne flûte ne se bouche pas.

- Puissance (volume) : l'instrument est-il sonore ou discret. Se fait-il bien entendre en session.

- Réactivité (responsiveness) : facilité qu'à l'instrument pour jouer des airs rapides en conservant toutes ses notes propres et claires.

- Equilibre (balance) : qualité pour une flûte de passer d'un octave à l'autre sans transition, sans forcer le souffle à l'excès.

2) Critères subjectifs

- Timbre (sound quality) : le son émis est-il plaisant ou désagréable. Sont à considérer

. L'attaque (chiff) : note émise avec un petit "pop"

. La pureté (pure in sound) : absence de bruit parasite. S'oppose à bruit de souffle, écho...

. Le bruit de souffle (breathy) : note émise avec le bruit du souffle en parasite

. L'écho, la persistance (ring) : perception de la note par résonnance après la disparition de la note

- Apparence (eye candy, look) : l'instrument est-il beau ou laid. Est-il bien finis ou bâclé. Sent-il bon, est-il agréable au touché et au goûté.

La flûte d'or

Certains anciens, en se posant la question de la beauté, y auraient répondu en s'exprimant par le nombre d'or. Les grecs de l'Antiquité par exemple avec l'Acropole. S'il est vain de pouvoir appliquer ces principes sur les éléments influençant le son (la longueur du corps, le diamètre des trous de notes, leur espacement, la dimension de la lumière) tout est possible au niveau de la seule esthétique. Examinant mes flûtes j'ai constaté que certaines d'entre-elles, peut-être plus plaisantes que d'autres, s'inscrivaient dans plusieurs rectangles d'or.

Le rectangle d'or définit le rapport entre la hauteur et la largeur d'un rectangle, soit 1,61 (pour simplifier les chose je n'ai retenu que deux chiffres après la virgule). Par exemple, si on regarde une bague en laiton sur une flûte, on note qu'elle s'inscrit dans un rectangle. Une belle bague ne doit être ni trop large ni trop étroite. Si on applique la règle du Nombre d'Or, sachant que le diamètre de ma Yarig Du Kabig est de 17 mm, la largeur idéale de la bague doit-être de 10,6 mm (17 mmm divisé par 10,6 mm = 1,61 arrondit).

 

C-dessous une de mes flûtes respectant le principe du nombre d'or sur quatre zones. "A" : la longueur du bec sur la largeur du corps ; "B" : la largeur du corps sur la longueur de l'épaulement du bec ; "C" la longueur du bord du labium sur sa profondeur ; "D" : la largeur du corps sur la hauteur de la bague du col (la bague du pied peut respecter aisément cette même proportion).

 

A moi d'appliquer ces canons de beauté, hétitage de l'Antiquité, histoire d'obtenir, en toute simplicité, les plus belles des flûtes !

 

La flûte d'Hermès

Commentaires sur le tableau "Hermès endormant Argos" de Jacob Van Campen (1595-1657).

J'ai choisis de vous présenter un tableau qui aujourd'hui me parle. Il me semble intemporel et non géographiquement localisé. L'histoire est censée se passer dans la Grèce antique mais qui nous l'affirme ? Des chiens, des vaches, un arbre, tout cela se trouve également sous nos cieux, La flûte ? Un tube droit en bois plus proche d'un wooden-whistle que du hollos antique ou de la flûte à bec de l'époque du peintre hollandais.
Que nous conte ce peintre dans son tableau ? A force de le considérer j'y ai projeté un message, mon message bien sûr, sans doute pas celui du peintre mais l'essentiel n'est-il pas d'être ému par une oeuvre d'art en y retrouvant ce qui nous parle ?

Un bien étrange tableau. Il nous présente une scène de la mythologie grecque. Hermès joue de sa flûte pour endormir Argos afin de pouvoir le tuer une fois endormi. Argos avait été chargé par Era de garder la génisse Io de toute visite de son amant Zeus. Argos était bouvier (comme l'atteste la présence de chiens et... de vaches) et possèdait la particularité d'avoir cent yeux. Cinquante pouvaient se fermer pour dormir et les autres, bien ouverts, pouvaient veiller. Ceci à tour de rôle. Un gardien idéal qu'avait choisi Era.

Première interrogation : où sont passés les yeux ? De nombreux yeux sur la toile : ceux des chiens accusateurs, des deux bovins ensuite. Mais Argos n'a comme vous et moi qu'une paire d'yeux. Il est vrai que le crane du dormeur plissé et déformé évoque à lui seul un oeil clos. Il est vrai que l'écorce de l'arbre lui aussi à des yeux : de grosses goûtes de résine. Sur le tronc on croit reconnaitre deux petits yeux tournés vers nous au dessus d'une bouche au sourire appaisé. Des yeux peut-être dans le ciel dans cette plissure diffusant des rayons de lumière (le regard de Zeus ?) Mais le peintre ici prend une grande liberté avec le mythe grec. Argos n'a pas ses cent yeux. Le message du peintre est ailleurs. Des yeux certes, en nombre, comme "clein d'oeils" au conte mais infiniement discrets, naturels. Point de multitude de trous comme le montre d'autres peintres martyrisant un corps d'Argos et qui nous mettent mal à l'aise à considérer un corps supplicié par cent coupures.

Il semble que le peintre en évacuant certains détails et en accentuant d'autres souhaite nous orienter vers un message. Peu de végétation alors que l'action se déroule dans un pré. Une brindille ridicule sort du tronc de l'arbre, en bas à droite quelques herbes folles qui dessinent, d'ailleurs, le groin d'un sanglier. Et c'est tout. Exit les vert paturages.
Par contre un foisonnement de draps et de fourrures, pour le moins étrnage en ce lieu, qui restitue une émotion d'apaisement, de douceur, d'endormissement en relation avec le geste hypnotique de Hermès. Celui-ci semble émerger d'un bain de peau de bête. Sa jambe se déploit au-dessus du dormeur pour ne pas l'éveiller. Douceur du geste. Voyez comme il fait attention à ne pas pénétrer le ventre d'Argos.

Au sol on relève ce qui semble être les reliefs d'un repas : un os devant le chien au premier plan, des coquilles de moules, une coquille d'oeil. Des objets creux, vidés. Dormissement, digestion, sentiment de bien être. Pas de trace de violence (l'arme de Hermès est absente où pourrait-il la mettre d'ailleurs puisque son corps est nu). Une chienne présente ses mamelles qui pendouillent. Image de douceur à peine ternie par les interrogations de tous ces yeux qui parcourent le tableau. Vers nous spectateurs, vers Argos, même vers le fond du tableau comme nous le montre la tête du dernier chien. Tous les regards, quasi humains, se portent vers l'ensemble des points cardinaux. De l'humain partout. Même le tronc d'arbre doté d'oeils nous parait croiser les jambes !
Rien de bien méchant dans le tableau alors qu'un drame est sensé se nouer. Une toute petite interrogation en rappel, un soupçon d'angoisse. Diffusée vers toutes les directions donc moins concentrée, toute diluée.

Au plein centre, en pleine lumière, un objet en bois clair. Un temps je l'ai considéré comme un tibia jaune mais l'os rongé par le chien, au premier plan du tableau l'atteste : un os c'est blanc ! Nos regards ne peuvent ignorer cet objet. C'est d'ailleurs le sujet du tableau. Une flûte jouée par un être androgine. Mi-homme mi-femme avec ces cheveux long noués en petit chignon. Considérez le galbe d'un sein à peine couvert par le bras gauche du flûtiste. Sa flûte qu'il oriente vers l'oreille du dormeur. Rien de sexuellement masculin dans l'acte. Pour une fois la flûte ne marque que son rôle de flûte. Produire de la musique. Pas de symbolisme à la petite semaine avec une flûte brandie comme un phalus. Pas de testostérone agressive. Appaisement avec la simplicité du geste d' une charmeuse qui endort un vieil homme puisqu'il s'agit bien d'un homme, la barbe marquant sans conteste la masculinité du dormeur.

Le message du peintre pour moi ? Douceur, volupté, endormissement, féminité, Le féminin homicient : une chienne, des génisses, un Hermès féminisé. Et surtout, coeur du tableau, une tendre mélodie jouée par une flûte en bois. Un temps suspendu pour un vieillard qui sera oscis. C'est l'histoire qui nous le dit. D'ailleurs n'est-ce pas le lot commun des vieillards de mourir. En vérité le lot de tout être mais, ici et maintenant, la quiétude règne. C'est peut-être ce qui m'interpèle dans ce tableau, moi qui suis aujourd'hui plus proche d'un vieillard que d'un jeune homme. Un vieillard qui dort et dormant ne redevient-il pas, dans ses rêves, comme un bébé ? La peau est ferme, musclée, sans rides. Seule la barbe blanchie atteste de l'état. L'homme dort bercé par une tendre mélopée. Refoulée par la musique d'une flûte la mort peut bien attendre.

 

 

La flûte de Polyphème

Commentaires sur le tableau "Paysage avec Polyphème" de Nicolas Poussin (1594 - 1665).

 

 

 S'il est un peintre dont les tableaux ont suscité les commentaires, les doctes analyses pour en décrypter les secrets, c'est bien Nicolas Poussin.

http://www.rennes-le-chateau-archive.com/poussin.htm

http://www.lecoindelenigme.com/gen-mecenes-9.htm

Contentons nous aujourd'hui de rêver en contemplant son "Paysage avec Polyphème" qu'il peignit en 1640. Rappel : Polyphème est un cyclope dont les mésaventures avec Ulysse ou Galatée sont suffisammment connues pour ne pas les relater. L'analyse la plus communément acceptée est la suivante. Le peintre se serait inspiré de la Métamorphoses d'Ovide. Cet ouvrage, écrit au début du Ier siècle, relate les transformations de dieux et d'hommes en animaux ou plantes, et constitue un répertoire de sujets pour les artistes depuis la Renaissance. Le cyclope Polyphème, fils de Neptune, amoureux déçu de la nymphe Galatée, exprime son désespoir. Assis dans la solitude d'un éperon rocheux au bord de la mer, son long bâton de berger à ses côté, il tient sa flûte avec laquelle il exprimait son amour pour elle.Mais le titre du tableau nous écarte de cette illustration : il s'agit d'abord de considérer un paysage.Un paysage (une scène de la vie) avec deux plans bien séparés. En bas, en couleur sombres : terre et végétaux, des êtres humains. En haut, en couleur plus claires :  bleus et gris, le ciel, la montagne et Polyphème le flûtiste. A la jonction une anse marine, un port, appel au voyage.Pour ma thèse, dans ce tableau, le peintre résume notre existence et le sens de la vie chrétienne. En bas la terre avec les êtres humains qui vaquent à leurs tâches sans trop s'occuper les uns des autres. Au second plan, des masses indistinctes. Plus proche de nous un paysan mêne sa charrue, un autre porte à sa bouche une cruche (?), un groupe vaque à de mystérieuses occupations. au premier plan, à gauche, un homme se tient allongé,. Il repose la tête couverte d'une couronne de lauriers (?). Un notable sans doute. Des pauvres actifs et des riches qui se reposent. Rien de surprenant. Puis, bien visible devant nous, ne serait-ce que par la couleur vive d'un vêtement, d'autres couronnés, une cruche en or à leurs pieds, avec surtout une femme à moitié vêtue livrée au regard concupiscent de deux êtres au profil bestiaux (des faunes ? la face obscure de l'homme ?) deux êtres tapis sournoisement dans les fourrés. Labeur, oisiveté, beauté, laideur, puissance, argent et sexe : voici bien notre monde sans doute brièvement résumé.Et puis il y a la deuxième partie du tableau : haute, lumineuse, claire, reposante. La montagne comme demeure des dieux d'une manière classique avec ces oiseaux qui y virevoltent comme des âmes apaisées. On n'y découvre pas de chemin pour nous rendre à son sommet. Sans doute est-il hardu, difficile, caché. La seule possibilité de voyager serait peut-être d'emprunter un navire sur le port qu'on devine à droite du tableau. Pour faire un long voyage. Plus tard, à la fin de notre vie.Le personnage central, vers lequel s'oriente nos regards, est un flutiste. Un dos énorme. Aussi grand que les acteurs du premier plan il ne peut s'agir d'un être humain. Le tableau nous dit qu'il s'agit de Polyphème le Cyclope. Mais le peintre laisse planer le doute car il nous le présente de dos. A-t-il vraiment un seul oeil ? Est-ce vraiment un cyclope ou un autre être sur-humain ? Dans notre imaginaire, celui né de notre tradition greco-latine et chrétienne, ce personnage évoque surtout Dieu sur sa montagne. A l'époque de Poussin, en France, on n'en connaissait pas d'autre. Tout au plus Zeus, le dieu grec, lui aussi habitant sa montagne : le Mont Olympe. Le caractère sacré du personnage est souligné par le bord du nuage au-dessus de sa tête qui semble dessiner le fameux éclair divin, la fameuse foudre de Zeus. Dieu en haut et les hommes en bas, quoi de moins original ? Mais examinons Dieu de plus près. Deux caractéristiques nous interrogent. Il nous tourne le dos et il joue de la flûte. Il nous tourne le dos, est-ce à dire qu'il se désintéresse de ses créatures en les laissant se dépatouiller avec leurs activités et leurs petites faiblesses ? Non, pour Poussin, bien imprégné de l'enseignement de son église, le Dieu chrétien, en se détournant, ne se désintéresse pas des hommes. Ce geste signifie que Dieu laisse l'homme libre de ses choix, de ses activités. Le bâton à ses côtés n'est que le signe d'une autorité, comme le sceptre pour un roi. Le bâton est déposé pas brandi. Le jugement et la sanction viendront plus tard, au jugement dernier. Dieu joue de la flûte. Pour nous endormir ? Pour nous amuser ? Pour nous ensorceler comme le fit le joueur de flûtes de Hammelin ? Si on se réfère toujours à la culture de Poussin (notre seule clé) et au message (supposé) qu'il souhaiterai nous communiquer, Poussin peintre pétri de culture chrétienne (il vécut très longtemps à Rome) la référence à la flûte est la référence positive telle qu'elle est rapportée dans la Bible : une image de joie et de fête. Ainsi " Vive le roi Salomon ! Et tout le peuple monta après lui, et on jouait de la flûte et on se livrait à de grands transports de joie, et la terre tremblait au bruit de leurs acclamations." (Roi 1 Chapitre 1) Voir encore : (Esaïe 5.12; 30.29; Luc 7.32).

Une image dje le répète positive, celle que je souhaite accoler à nos chères petites flûtes. Dieu nous veut le plus grand bien, notre bonheur. Ne joue-t-il pas de la flûte pour nous, afin de nous encourager, alors même qu'il semble nous tourner le dos. Alors, si vous le voulez bien, lorsque nous emboucherons à notre tour nos flûtes irlandaises, conservons nous aussi un peu de cette image positive nous n'en jouerons que mieux !

Le flûtiste rouge

Commentaires sur le tableau du Guerchin (1591 - 1666) « Les Bergers d'Arcadie ».

 

 

 

Ce tableau a fait l'objet de nombreuses analyses.

Certains y soulignent l'aspect d'opposition des bergers habillés et rasés différemment qui met en évidence l'ambivalence du monde et les contrariétés propres à l'homme. D'autres, les plus nombreux, soulignent une méditation sur le sens de la vie, sur le temps qui passe avec une scène qui nous montre des bergers découvrant l’existence de la mort à travers celle d’un crane. Les plus extravagants évoquent même un renvoi au tableau de Poussin portant le même nom et à la même inscription (In Arcadia Ego), tableau soupçonné contenir un message secret apte à dévoiler les mystères de Rennes le Château.


Il m'est arrivé, moi-aussi, de méditer devant ce tableau. Et mon regard, mes pensées, fortement colorés de mes obsessions musicales m'ont fait y découvrir, à mon tour, une flûte (dans la main du berger de droite). Bien sûr il est plus vraisemblable que le peintre ait voulu évoquer l'extrémité d'un bâton tel celui du deuxième berger. Mais avouons que la ressemblance avec une flûte est troublante. D'autres s'y sont laissés prendre (cf http://www.lecoindelenigme.com/bizarreries-suite-7-bis.htm « La flûte fut jetée dans son méandre. Cette flûte qui coûta si chère à Marsyas, sera retrouvée par un berger, musicien. Celui en habit rouge ? puisque sa couleur est royale et que son bâton semble une flûte. »

A chacun son message et voici maintenant le mien. Un message né de cette méditation en abîme.

D'accord, notre mort est inéluctable, et nos deux bergers le réalisent en découvrant le crane. Mais ce qui m'interroge est la dissemblance frappante entre les deux personnages. A droite « mon flûtiste » de rouge vêtu, la peau fraiche où le sang vermeil circule et à gauche mon berger blanc, pâlichon, exang.

Dans quel berger me reconnais-je ? Le rouge naturellement - certes barbu comme moi, mais cela est une coïncidence (!) - par contre un berger qui tient à la main un instrument qui m'est cher, pour moi une flûte, donc un berger artiste, que son art à fait roi (le vêtement rouge) sa vie durant.

Si nous sommes égaux devant la mort, avouons que rendre notre vie plus riche avec notre art et nos passions est plus satisfaisant que de passer en ne faisant que s'appuyer sur un simple bâton inerte.

Vive les bergers rouge !

La flûte merveilleuse

 

  • L'histoire que je vais vous conter m'est bien arrivée et reste pour moi troublante.

    Je n'ai pas encore réussis à en dénouer tous les fils. Quelqu'un, quelque chose, une flûte... semble vouloir me laisser un message. Mais quel message et pour quelle raison ? J'ai mon explication, une simple hypothèse que j'expose en fin du récit. Une thèse retenue parce qu'elle me réconforte d'une blessure. Nous verrons bien, mais pour l'instant exposons la simple chronologie des faits.


    Mi décembre 2010. J'effectue quelques rangements dans mes papiers. Je retrouve la couverture du magazine « musique bretonne », une page totalement oubliée et que je conserve depuis 1987. Cette couverture nous présente un musicien breton (sonneur) et son compagnon tambourineur. On lit au verso que ces sonneurs sont inconnus et que tout renseignement sur leur identité serait le bienvenu.

  • Le fiffre et le tambour qui précèdent la procession des bêtes à St Nicodème. Qui sont ces sonneurs ?

    Les sonneurs se tiennent devant les fontaines de la chapelle Saint Nicodème (Morbihan). La gardienne des lieux, lorsque j'étais adolescent, était la marraine de ma mère et je me souviens être monté plusieurs fois, sous sa protection, au plus haut du clocher. Le flûtiste joue d'un fifre (instrument rarissime dans cette région) mais ce musicien n'est pas sans évoquer d'une part mon grand père (ci-dessous sonneur comme tous les membres de ma famille paternelle) et d'autre part, l'instrument lui-même, une de mes petites flûtes Yarrig Du.

    Instant émouvant et nostalgique pour moi puisque la contemplation de cette image me renvoit à ma jeunesse et ma passion d'alors : la seule musique bretonne, la musique de mes aïeuls.


    25 décembre. Je reçois un cadeau de mon gendre : un fifre signé Isidore Lot (1960 - 1886), un instrument qui me rappelle tout de suite celui de la couverture de mon magasine.

  • Le fifre avant restauration à côté de mon tin-whistle Generation des années 1980.

  • Cet instrument mon gendre l'a découvert lors du déménagement de la maison de sa grand-mère. Une flûte dont il ignorait l'existence et qu'il a découvert (exhumé ?), appellation de circonstance, dans un « caveau », c'est à dire un lieu où se range les bouteilles de vin. Un petit objet qu'il va me remettre, bien informé de mes activités de luthier. Une petite flûte, mon premier fifre, au corps fendu, moisi et poussiéreux, aux clés ternies, aux tampons déséchés, aux bagues décollées. Un instrument piteux qui m'interpèle. Comment est-il parvenu en ce lieu ? Sans doute le dépôt du propriétaire ayant légué la maison à la grand-mère de mon gendre. Quelle musique a-t-il pu jouer ? Musique classique ou populaire ? Objet d'un enfant ou d'un adulte ? D'une jeune femme ou d'un vieillard ?...


  • Extrait d'un catalogue de vente faisant référence à la production d'Isidore Lot

  • Moi qui m 'était toujours détourné d'une telle flûte, plus liée à la musique militaire qu'aux danses traditionnelles, aux région du Nord de l'Europe qu'à celles de l'Ouest, je me retrouve en relation intime, par deux fois en très peu de temps, avec cet instrument de musique. La coïncidence est étrange. Cette flûte, oubliée pendant des décennies se décide à renaître pour se reposer non pas entre les mains d'un non initié, qui aurait pu s'en débarrasser définitivement, mais dans celles d'un facteur de flûtes. Qui, fort de sa pratique, par jeu, se décide à la restaurer.


    Janvier 2011. Me voici à combler les fentes, nettoyer de toute crasse le bois et de toute rouille le métal, recoller les bagues, démonter les clés, huiler les mécanismes et remplacer les tampons. Ha, ces tampons...

    Le plus grand, celui de la clé proche du pied du fifre, se présente comme une petite boule de coton comprimée avec force entre deux disques de baudruche. Je l'ôte de la coupelle en métal de la clé pour mieux le remplacer. Ce faisant j'arrache la baudruche et le coton se répand d'une manière disgracieuse. Soucieux de conserver une trace des étapes de ma restauration je photographie la clé et son tampon d'origine. Je déposerai ensuite cette photo sur mon site puis l'oublierai rapidement.

     

    Quelques temps plus tard relisant ma page consacrée à la restauration du fifre je revois la photo et découvre stupéfait sur la bourre du tampon, un visage peint tel celui d'un homme barbu. Mon premier réflexe est de retrouver le tampon pour vérifier la chose. Hélas celui-ci est parti à la poubelle depuis longtemps. Le mystère reste devant moi. Est-il possible que le facteur de flûtes ai choisi de peindre le visage d'un jeune homme barbu sur la face cachée de son tampon ? Est-ce plutôt une coïncidence liée aux traces laissées par la colle sur la baudruche ?...


    Si une telle succession d'évènements est porteuse de sens. Quel peut-il être ?

    Toute image d'un barbu que ce fut dans les branches d'un arbre ou sur les contours d'un nuage, d'un coussin, d'un mur voire d'une tortilla, nous fait reconnaitre le visage du Christ. Je n'y « crois » pas un instant, c'est le cas de le dire, car j'imagine que Dieu, s'il souhaite me parler, a bien d'autre manière de le faire qu'en me délivrant des messages incompréhensibles.

    Un « tourneur de guéridons » aurait bien lui aussi une interprétation (inquiétante) du moins si le sonneur de fifre sur la photo avait porté la barbe. Ici c'est le fantôme du musicien qui se serait révélé à moi. Ouf j'ai eu chaud le visage sur le tampon ne porte pas de barbe. Et même si j'en porte une moi-même... je ne me retrouve pas dans le portrait.

     

    Par l'expérience de mon âge je pense que la seule explication à rechercher est en moi-même, pas au-delà. Ces évènements, chez un autre que moi, n'auraient eu aucun écho. Quel est mon malaise ?

     

    Je culpabilise d'avoir abandonné, renié d'une certaine manière, la musique de mes ancêtres, de ma jeunesse, autrement dit la musique bretonne, pour m'être consacré corps et âme à la seule musique traditionnelle irlandaise. Force est de le constater avec toutes ces références sur mon website qui renvoient à mon héritage breton : Per Guillou auquel est dédié le site, mon père et mon grand-père auquel est dédié mes flûtes.

  • Mon grand-père Jean-Marie Jaffrédo

    Ainsi me faut-il faire à tous prix, constamment, le lien entre ces deux cultures pour expliquer mes choix. Un fifre entre les mains d'un sonneur breton n'est que la représentation de mes futurs wooden whistles. Le musicien au fifre ne joue que d'un fifre mais je prends son apparence de whistleurs comme le présage de mes futures activités de facteur de flûtes. « Tu vois Didier, il était inscrit que tu deviennes facteur de flûtes, puisque tu as conservé cette image ». Du même tonneau, mon héritage de Per Guillou serait préparatoire à ma vocation de facteur de flûtes etc.

     

    Je ne vois, je ne rechercherai, que des « inter-signes », comme le faisaient constamment mes ancêtres bretons, décelant en tout acte et objet «inapproprié », le signe annonciateur d'un évènement futur. Mais eux seuls en faisaient le lien. Sans doute pas un marseillais ou un parisien.


    Pour justifier ma « trahison », pour me rassurer, je rêve que le passé vient à moi, au travers d'une petite flûte, mi-flûte irlandaise, mi-bombarde bretonne. Va ton chemin Didier : tu es pardonné.

    • p.s. Une nième fois je regarde la photographie de la clé et y découvre.... une autre image. Moins nette peut-être mais toujours, pour moi, apparente. Regardez le fond de la coupelle et qu'y voyons-nous si ce n'est, bien orienté comme sur un tableau vertical destiné à nos regards... un autre visage ! Encore un barbu mais cette fois portant costume, cravate et lunettes. Quelle interprétation en tirer ? Mon âme bretonne ne l'a pas encore décidé.

 

La flûte apaisée

Commentaires sur le tableau du peintre Hollandais Aelbrecht CUYP (Dordrecht, 1620 - 1691)

Je ne connais pas de tableau plus reposant que celui du peintre Hollandais Aelbrecht CUYP (Dordrecht, 1620 - 1691) nous présentant des vaches au pâturage et et un berger jouant de la flûte. Quel apaisement ! Je ne me lasse pas de le considérer. Comme point de départ de mon propre commentaire du tableau je vous propose ces extraits du site http://communaute.louvre.fr

«Un pâtre joue de la flûte pour un petit garçon et une petite fille qui l'écoutent attentivement en caressant le chien du troupeau. Le clair-obscur du premier plan met en valeur les couleurs chaudes, roux et ocres, des vaches. Les paisibles bovins sont traités avec une vigueur toute naturaliste qui découpe leurs échines et fait frémir les muscles sous leur pelage. Cuyp va jusqu'à peindre un très réaliste jet d'urine d'une vache rousse. Dans les lointains brumeux, sous les gros nuages d'un ciel mouvant, se dessine la silhouette de deux moulins à vent et d'une calme cité qui se reflète dans la rivière. La tour de l'église que l'on aperçoit a permis d'identifier la ville de Rhenen. » et plus loin « Une sorte d'équilibre monumental, fondée sur la diagonale qui sépare le tableau, s'établit entre les figures et les effets de lumière dorée du paysage. Il s'agit là d'un moment éphémère, celui de l'aube ou du crépuscule, comme on le devine dans l'ombre qui envahit les visages. L'instant se teinte cependant d'une légère mélancolie. La douce harmonie de cette scène pastorale est aussi fragile que la mélodie qui lie invisiblement ces êtres. Ainsi y a-t-il dans ce paysage pourtant si familier une allusion à l'Arcadie, ici une Arcadie du Nord, si souvent rêvée par les peintres. »

L'essentiel est dit. Je me contente de quelques touches personnelles.

1) Les trois petits personnages à droite, au loin sur la colline, me semblent faire écho aux trois bergers du premier plan. Ils se meuvent, ils s'éloignent en nous tournant le dos. Après la pose musicale voici nos héros revigorés par la musique de la flûte. Plus forts, ils partent vers l'avenir de leurs nouvelles aventures.

2) Les nuages dans le ciel qui filent depuis la tête du flutiste jusqu'au sommet de la colline évoquent bien un mouvement, la dynamique de notre musique. Ancrée dans le monde (les vaches si triviales et massives), ouvert à l'avenir, à nos générations futures (les enfants), voici bien une musique qui nous calme et nous dynamise tout à la fois.