Comment réaliser ses instruments de musique irlandaise lorsqu'on est un jeune adulte et qu'on a pas beaucoup d'argent !

 
 

J'ai l'habitude de réaliser mes propres instruments en totalité ou en partie. Puisse ces quelques exemples de ma production irlandaise vous inciter, vous aussi, à passer à l'action.  Les ingrédients nécessaires ? La passion puis la documentation, l'outillage, les matériaux et le temps. En vieillissant je mets de l'ordre dans mes priorités et c'est peut-être la raison qui m'a fait abandonner un projet de construction d'un concertina, projet estimé à des milliers d'heures de travail .

A l'exception notable des anches de uilleann-pipes, aventure créative la plus longue jamais menée, les réalisations présentées ci-dessous ont généralement été entreprises sur une période de quelques semaines, un mois de vacances d'été par exemple, dans les années 1980 à 2000. 
Nous commencerons avec la vaste famille des instruments à vent : timber flute, union pipe et uilleann pipe (régulateurs, chanter et anches), puis terminerons avec bodhràns et harpes.
 
 

Timber flute
 

(Bois ébène et palissandre. 
Tête (embouchure et coulisse), corps main droite : origine inconnue. Bouchon de tête, corps main gauche et pied : création personnelle)

Une  histoire originale que cette flûte. J'avais récupéré, en 1979, deux éléments d'une vieille flûte de concert : la tête (origine allemande) et la partie avec une clé (origine française). Ces deux éléments, totalement disparates, m'avaient été gracieusement offerts par mon professeur de tarif de l' Ecole Nationale des Douanes, pendant mes études d'inspecteur. Je me suis donc essayé à bâtir les parties manquantes afin de reconstituer une flûte complète avec mon tour à bois Peugeot !


Détail sur le corps main gauche en palissandre
 

Union pipe
 

(Chanter : Andreas Rogge, soufflet : Alain Froment, bourdons, regulator et main stock : Didier Jaffrédo
Bois en acacia tinté. Mécanismes et ferrures en cuivre ou inox)
De gauche à droite et de haut en bas : vue générale des composants non assemblés ; tube de connexion entre le soufflet et la poche ; souche du chanter ; régulateur ; bourdon ténor et baryton ; vue sur les bourdons ; bourdon basse ; gros plan sur le bourdon de basse ; main-stock ; anches de bourdons et de régulateur ; 3 vues générales du pipe composé, la dernière dans son état actuel avec le soufflet.


Le but de mon exercice était de copier un modèle existant :  l'union-pipes de la collection Duckett, Co Carlow (Irlande), daté de 1760 à 1770. Pour me faciliter la vie et obtenir un instrument vraiment jouable j'ai demandé à un luthier expérimenté (Andreas Rogge) de réaliser la partie la plus importante et la plus délicate : le "chanter", me réservant tout le reste (ou presque) de l'instrument. Le chanter commandé est un chanter en "Si", copie du chanter "flat set" de Robbie Hannan, elle même copie d'un chanter du 18ème siècle. Par contre, ma copie est sans clé, pour respecter le modèle de mon inspiration.  Si la reproduction d'une cornemuse ancienne est un objectif  difficile à satisfaire dans ses moindres détails je pense avoir produit un instrument dont l'apparence générale rappelle le modèle d'origine. Noter la couverture d'acier du "main stock" (gros cylindre qui sort de la poche) avec ses bagues décoratives ; les gros pavillons en sortie des trois bourdons droits ; le régulateur baryton avec ses cinq clés. Les images de mes sources (internet) n'étant pas toujours explicites je n'ai pu observer si cette cornemuse avait une clé d'arrêt des bourdons. Qui peut le plus pouvant le moins j'ai choisi d'en rajouter une, très discrète. Je me suis écarté volontairement du modèle original à chaque fois que cet écart ne portait pas atteinte à l'apparence générale de l'instrument. Ainsi les perces internes de mes bourdons sont pratiquement toutes chemisées d'acier inox afin de parfaire la diffusion du son. La seule exception notable porte sur le "chanter stock" (la partie protégeant l'anche du chanter), droit sur le modèle du 18ème s., mon pipe reprend le modèle coudé en "col de cygne" du 19ème s., estimant, en cas de besoin, pouvoir le masquer sous une housse en tissus.
 
 

Régulateurs de Uilleann pipes
(Bois en palissandre, mécanismes et ferrures en cuivre, bouchons en os)
 

En attendant de recevoir  mes régulateurs commandés à Alain Froment, je me suis "amusé" à les fabriquer. Ayant finis par recevoir  ma commande j'ai donné au pub "John Mac Byrne" les trois régulateurs que vous voyez sur les photos reprises ci-dessous.
Vous pourrez les y voir exposés au 21 Rue des Petites Ecuries à Nantes Tél. 02 40 89 64 46. 

On trouve dans le petit cadre, sous mes trois régulateurs, une photo avec une légende explicative :
"Uilleann-pipes avec ses trois régulateurs. 
Partie la plus achevée de l'instrument les régulateurs permettent le jeu des accords. 
Fabriqué par Didier Jaffrédo"
 
 

Chanter, anches et chanter-stocks de Uilleann pipes
(Bois en palissandre, ferrures en cuivre, ornement synthétique)



Mon chanter de Uilleann-pipes construit par Alain Froment, ne m'ayant jamais réellement satisfait, je me suis résolu à en fabriquer un par moi-même. En voici le résultat.
 
 

Chanter, copie de Froment sans clés.

Chanter stock "en T" et "col de cygne"

La partie la plus importante de ces instruments est l'anche. Je ne pouvais faire l'économie de réaliser mes propres anches, ne serait-ce que pour des raisons d'autonomie et d'économie.
 
 

Anches de uilleann pipes



Anche de bourdons roseau et plastique

Anche de chanter "D" et "B" en roseau

Anche de chanter et régulateur en plastique

Faire une anche est un exercice très difficile. A toutes fins utiles je vous propose ici :
Une méthode personnelle pour faire une anche de chanter

Le récit d'un stage à Miltown Malbay

Ma toute première production instrumentale date des années 1980. Voici quelques tambour irlandais "bricolés" dans mon appartement parisien à l'époque où il était impossible d'en trouver en France.  J'ai vendu l'essentiel de ma production mais je possède encore un de ces bodhràns à la maison.
 
 

Bodhràn
(Cadre en tamis de maçon, peau animale, mailloche en buis ou acacias)
 


 
 

Harpes bardiques
 

(Acajou et pin d'Oregon. Mécanismes et cordes Camac. Plans et côtes de Gildas Jaffrenou extrait de son livre "Folk Harps". Les pièces de bois, au pied des harpes, sont des sculptures à plaquer sur les instruments)

J'ai adoré fabriquer ces deux harpes. Le travail fut long mais peu compliqué et très gratifiant. En effet, à la différence de la production des instruments à vent qui ne tolère aucune erreur fut-elle minimale, les réglages d'une harpe se font à la fin avec la tension des cordes, un acte simple et pour le moins amendable ! Je me suis séparé de la harpe de droite, mais possède encore celle de gauche.